Déjà bien présente dans de nombreux secteurs d’activités, l’intelligence artificielle est en train d’investir le champ des achats. Quels en seront les bénéfices concrets pour l’acheteur ? On fait le point.
Arrivée via les robots sur les chaines de montage dans le secteur industriel, les outils prédictifs ou encore les chatbots dans les directions marketing ou RH, l’intelligence artificielle a investi peu à peu toutes les directions métiers. Au niveau des achats, les grands comptes et ETI qui disposent déjà de processus pour évaluer leurs fournisseurs (solvabilité, conformité, qualité, TCO, etc.), s’interrogent aujourd’hui à intégrer à ces données déjà disponibles en interne, des approches analytiques et cognitives ainsi que des informations relatives aux retours clients, précieuses pour l’acheteur en matière de prise de décision.
Par ailleurs, la mise en conformité des entreprises (RGPD, Sapin 2 et Devoir de vigilance) qui occupe aujourd’hui une place centrale, peut être facilitée par l’intelligence artificielle car celle-ci offre rapidement une vision globale des processus grâce aux données disponibles. A la clé : un réel gain de temps pour les directions achats.
Enfin, si l’intégration de cette technologie est encore embryonnaire car disparate dans les entreprises, les experts s’accordent à dire qu’elle ne pourra être pleinement exploitée par les différents métiers que si elle est intégrée à une démarche d’entreprise impliquant l’ensemble des collaborateurs et le développement d’une culture de la donnée.
Rencontre avec Sébastien Dumas, expert chez Synertrade, éditeur de solutions e-achats pour les entreprises.
[Club des Acheteurs] Comment est né le « predictive procurement » ?
[Sébastien Dumas] La naissance du « predictive procurement » remonte à environ trois ans. Elle est concomitante à la mise sur le marché par les GAFA de produits tels que les enceintes intelligentes et autres Smart assistants connectés [Amazon Alexa, Google Home, etc. NDLR]. Des produits qui ont fait mouche auprès des consommateurs et ont ouvert une réflexion au sein des entreprises. Les directions métiers et notamment les achats ont alors commencé à s’intéresser au phénomène de l’intelligence artificielle pour étudier les bénéfices que cette technologie pourrait apporter réellement au business. Les plus avancés se sont ainsi lancés dans la RPA (Robotic Process Automation) pour automatiser des tâches répétitives puis ont envisagé l’AI pour ajouter une couche d’intelligence en vue d’améliorer toujours plus leurs process.
[CdA] Quels sont les différents champs d’application de l’AI pour les achats ?
[SD] Il y en a trois principaux. Les assistants conversationnels tout d’abord, les « chatbots », qui aident l’utilisateur à naviguer dans une solution et en facilitent l’adoption, puis la classification intelligente des données grâce au machine learning (classement de factures, regroupement de fournisseurs par catégories, etc…) et le « predictive procurement » pour prévoir à la fois les dépenses qui vont être engendrées (« predictive costing ») et les dépenses futures. Il faut toutefois bien garder à l’esprit que cette intelligence artificielle est à la base créée par l’homme et qu’elle a vocation à être améliorée et enrichie en continu.
[CdA] Quels sont vos projets de développement dans le domaine ?
[SD] Aujourd’hui, nous avons un chatbot « réactif » qui, comme son nom l’indique, se montre très réactif et répond aux questions de l’utilisateur afin qu’il puisse naviguer plus facilement. Demain, nous souhaiterions développer un chatbot « proactif » qui permettrait de détecter les problèmes en amont et d’avertir l’utilisateur pour lui dire, par exemple, que cinq factures avec tel fournisseur n’ont pas été payées depuis plus de deux mois. Ce chatbot aiderait l’utilisateur à choisir ses actions business. Nous avons identifié les usages, reste aujourd’hui à définir les critères et les seuils qui permettront de lancer les alertes.
[CdA] Quels sont, concrètement, les bénéfices des chatbots pour l’acheteur ?
[SD] Les chatbots permettent à l’acheteur de gagner du temps et facilite grandement l’adoption d’un outil. Quoi de pire pour une direction achats que de déployer une solution que personne n’utilise car jugée trop complexe ! Tout ce qui aide à simplifier l’usage et l’adoption de solutions est aujourd’hui incontournable.
[CdA] Sourcing, négociation, innovation… Quel pourrait être le rôle de l’intelligence artificielle ?
[SD] Cela fait partie de notre road map mais nous n’en sommes pas encore là. Au moment de l’analyse et du choix des offres par exemple, et parce que les paramètres à prendre en compte peuvent être extrêmement nombreux, pourquoi ne pas imaginer que l’intelligence artificielle puisse suggérer un scénario d’attribution ? Objectif : faciliter le travail de l’acheteur et l’aider à choisir.