Avec 214 répondants, cette édition reflète les réponses d’un échantillon solide et diversifié. Le secteur de l’industrie domine le panel (22%), suivie de la banque/assurance (16%) et du secteur public (11%). D’autres secteurs, comme l’IT, les télécoms et la tech, la santé ou le conseil, sont également représentés, illustrant la diversité des profils.
Parmi les participants, plus d’un professionnel sur deux (54 %) occupe un poste de direction ou de management achats, et 35 % sont spécialisés dans les achats de prestations intellectuelles.
Le panel réunit par ailleurs des entreprises de toutes tailles, des structures intermédiaires aux grands groupes, certaines générant plusieurs centaines de millions d’euros, et d’autres dépassant les 5 milliards, garantissant ainsi une représentation équilibrée.
Dans cet article, nous vous proposons une lecture des résultats, nourrie par les échanges et analyses des experts du secteur.
Prestations intellectuelles : un panorama dominé par l’IT, mais de plus en plus diversifié
Les prestations informatiques demeurent majoritaires, représentant 82% des Achats, suivies des études et le conseil (81 %), mais les autres catégories, ingénierie (44 %), communication (20%), formation (20%), R&D (19 %) ou marketing digital (11 %), reflètent une diversification croissante, même si les deux premières restent dominantes.
Pour Pascal Amico, Directeur Achats Groupe Egis, la spécificité de son périmètre est notable : 80 % de ses dépenses concernent l’ingénierie, ce qui structure fortement ses pratiques et priorités au quotidien.
En 2025, la majorité des entreprises consacrent une part importante de leurs Achats aux prestations intellectuelles : 74 % des répondants y allouent plus de la moitié de leur budget, tandis que seulement 23 % dépensent moins de 50 %. Une faible proportion ne sait pas évaluer cette part.
Comparativement aux années précédentes, la montée de ces prestations se confirme : leur poids dans les budgets n’a cessé d’augmenter depuis 2018, traduisant une maturité croissante des Directions Achats et une volonté d’investir dans des expertises à forte valeur ajoutée.
Achats de prestations : le forfait s’impose face à la régie et aux autres formules
Le contrat au forfait s’impose largement comme la modalité la plus utilisée, citée par 82 % des répondants.
Il devance la régie (74 %) et les contrats à l’unité d’œuvre (49 %), tandis que les formules en “enveloppe à consommer” et les autres formes contractuelles restent minoritaires.
Parmi les critères qui conduisent à privilégier le forfait, les Acheteurs mettent en avant en priorité l’obligation de résultats et la définition précise des livrables et objectifs.
La clarté du besoin du besoin arrive en troisième position (64 %), suivie de la nature de la prestation et de la durée du projet.
François Tourrette, Fondateur et Directeur des Opérations du BRAPI, observe que la volonté des entreprises de recourir au forfait est manifeste mais elle n’est pas toujours pleinement concrétisée.
Cependant, certains facteurs expliquent une montée effective des engagements de résultats. Notamment, le développement du sourcing nearshore et offshore, qui se traduit fréquemment par des prestations au forfait ou basées sur des obligations de résultats :
« Ces contrats permettent de sécuriser les livrables, garantir la performance attendue et répondre aux contraintes spécifiques de l’externalisation à distance. »
Méthodes de sourcing : la recommandation et le réseau restent les piliers
Le baromètre 2025 révèle une fonction Achats de plus en plus structurée sur le sourcing des prestations intellectuelles. Aussi, 64 % des entreprises disposent désormais d’au moins un Acheteur à temps plein dédié à cette catégorie, signe d’une professionnalisation croissante de la démarche.
Les recommandations des clients internes demeurent la première source d’identification des prestataires, devant le réseau d’Acheteurs et les grands cabinets de conseil ou ESN. Les plateformes en ligne (31 %) et les réseaux sociaux (13 %) gagnent progressivement du terrain, même si leur usage reste minoritaire.
Sur ce point, Pascal Amico, Directeur des Achats Groupe Egis, apporte un éclairage complémentaire sur certaines pratiques observées dans le secteur :
« Nous constatons que certaines ESN utilisent des plateformes d’intermédiation pour proposer des profils sous-traités, qui ne relèvent plus directement de leurs salariés.
Cela facilite l’accès aux compétences, tout en nécessitant une attention particulière sur les aspects de transparence et de conformité. »
Digitalisation et sourcing : vers plus de performance et de fiabilité
La digitalisation du sourcing avance lentement : 46 % des entreprises utilisent des logiciels de sourcing, tandis que 51% n’en utilisent pas et 3 % ne se prononcent pas. Parmi les utilisateurs, 25 % s’appuient sur des ERP généralistes (progiciel de gestion intégré), 11 % sur des solutions externes dédiées, et 10 % sur des outils internes développés sur mesure.
Nissrine Massaq, Présidente du Club et Directrice des Achats chez Siemens Smart Infrastructure France, partage son expérience de la digitalisation des Achats qui selon elle a profondément transformé les méthodes de sourcing des prestations intellectuelles.
« Cette transition a permis d’apporter davantage de performance et de fiabilité dès les premières décisions d’Achat. Grâce à la plateforme mise en place, chaque prestataire est évalué selon plusieurs critères : ceux qui ne répondent pas aux besoins sont écartés, tandis que ceux qui remplissent les exigences sont conservés.
Le panel interne est ainsi qualifié de manière exhaustive, depuis la contractualisation jusqu’au suivi du taux journalier négocié. »
Avec un retour d’expérience d’un peu plus d’un an, elle constate déjà un gain significatif en efficacité et en contrôle, marquant une étape importante dans la digitalisation des processus d’achat de prestations intellectuelles.
Référencement des fournisseurs : vers une gestion plus centralisée des prestataires
70 % des entreprises disposent désormais d’une politique formalisée de référencement de leurs fournisseurs, soit une progression de 9 points par rapport à 2024.
Le référencement achats centralisé gagne 11 points en un an, témoignant d’un recentrage des décisions autour des Directions Achats. Aujourd’hui, 30 % des entreprises déclarent fonctionner selon ce modèle.
Toutefois, le modèle mixte, associant un pilotage centralisé avec une part d’agilité, reste majoritaire, avec 36 % des répondants.
Selon François Tourrette, « Certaines grandes entreprises, notamment dans le secteur bancaire, adoptent une approche d’ultra-massification : des panels initialement très larges se resserrent autour de prestataires généralistes capables de couvrir l’ensemble des besoins. »
Cette stratégie montre d’une part, la sécurisation et la maîtrise des risques via un nombre réduit de prestataires ; d’autre part, l’adaptation aux tensions du marché, qui pousse certains clients à limiter l’usage des plateformes en ligne.
Performance et critères de sélection : la qualité au cœur des décisions Achats
La performance des prestataires de services intellectuels reste un enjeu central pour les Directions Achats, et le baromètre 2025 confirme une hiérarchie claire des critères de sélection.
En tête, la qualité des livrables s’impose comme le facteur décisif, suivie du prix et de la création de valeur. Viennent ensuite le respect des délais, la prise en compte des critères RSE et enfin la capacité à travailler à distance, désormais considérée comme un standard plutôt qu’un facteur différenciant.
Cette hiérarchisation montre la professionnalisation croissante des Acheteurs, qui cherchent à équilibrer performance économique et rigueur opérationnelle, tout en valorisant la contribution réelle du prestataire au projet.
Le prix demeure important, mais il n’est plus le premier levier de choix car les Directions Achats privilégient avant tout la fiabilité et la qualité d’exécution.
La transparence reste également une dimension clé du pilotage : 88 % des entreprises déclarent communiquer les critères de performance à leurs prestataires, une pratique qui favorise une relation plus partenariale et une meilleure compréhension des attentes mutuelles.
Enfin, la question de la rémunération au résultat reste marginale : 85 % des Acheteurs ne favorisent pas le recours au “success fees”, préférant des modèles contractuels plus stables et prévisibles.
Droits humains et empreinte carbone, priorités RSE des Acheteurs
La Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) s’affirme progressivement comme un levier de sélection des prestataires intellectuels, même si son intégration reste hétérogène selon les organisations.
Parmi les critères RSE pris en compte, les droits humains et les conditions de travail arrivent en tête des priorités, suivis de l’empreinte carbone des prestataires et de l’inclusion et la diversité des équipes.
Les aspects liés à la gouvernance et au devoir de vigilance se situent également dans le haut du classement, tandis que les critères tels que le développement local, l’insertion sociale et professionnelle, les labels ou certifications et la production locale (Made in France) sont cités de façon plus ponctuelle.
Si la sensibilisation progresse, la mise en œuvre d’actions concrètes reste encore en construction.
48 % des entreprises déclarent utiliser une grille d’évaluation RSE à l’entrée au panel, et 40% mettent en place un plan d’engagement de progrès ou des clauses contractuelles pour faire évoluer leurs prestataires.
D’autres vont plus loin avec des indicateurs de suivi pendant la prestation ou des audits et revues régulières, tandis que 29 % reconnaissent ne pas encore avoir structuré d’actions en ce sens.
En matière de mesure environnementale, 30 % des Acheteurs suivent désormais l’empreinte carbone des prestations intellectuelles, signe que la dimension climatique commence à être intégrée, mais pas encore généralisée.
Dans l’ensemble, ces résultats révèlent une véritable progression des Directions Achats sur les enjeux RSE, avec une volonté claire de passer de la théorie à la pratique.
Nisrine Massaq souligne que lorsqu’on évoque la RSE dans le cadre des achats de prestations intellectuelles, il est important de ne pas se limiter à l’empreinte carbone :
« La RSE inclut également les achats inclusifs, qui visent à favoriser la diversité, l’inclusion et l’équité dans le choix des fournisseurs. Cette dimension reste souvent sous-estimée lors des discussions sur la consommation énergétique des outils digitaux ou de l’IA.»
Intelligence artificielle (IA) et Achats PI : vers une adoption progressive et encadrée
Dans l’ensemble, les résultats du Baromètre montrent une phase d’expérimentation et de réflexion : les directions Achats explorent le potentiel de l’IA tout en cherchant à structurer son usage de manière sécurisée et performante.
Aussi, seuls 12 % des Acheteurs déclarent y recourir de manière régulière, tandis qu’un tiers (33 %) l’utilise ponctuellement.
Pour beaucoup, l’IA demeure un sujet d’exploration : près d’un Acheteur sur trois n’y a pas encore recours, mais envisage de le faire à court terme.
Cette prudence se retrouve dans la gouvernance de l’IA : seulement 22 % des entreprises disposent d’une politique formalisée, 35 % sont en cours de définition d’un cadre, tandis que la proportion la plus importante (39 %) n’a pas encore de politique, ce qui montre que l’usage de l’IA dans les Achats est encore en phase émergente.
Cyrille Mame, Responsable achats PI stratégie, sourcing et process Air France-KLM, explique avoir récemment intégré des clauses spécifiques sur l’usage de l’IA dans les contrats. Celles-ci ne concernent pas directement l’exécution de la mission, mais encadrent l’accès aux informations et la formulation de recommandations.
« Si le consultant a besoin d’un renseignement ou d’un wording pour un process, il peut faire appel à l’IA. Mais il faut savoir quel type d’IA est utilisé et si les données de l’entreprise seront conservées ou exploitées par la solution. »
Enfin, elle rappelle que, même lorsque les relations avec les fournisseurs se déroulent sans difficulté, il est indispensable de prévenir les risques dès la contractualisation ou l’établissement d’une nouvelle relation commerciale.
Sécurisation et pilotage des prestataires : les pratiques des Directions Achats
La gestion des risques liés aux prestataires de prestations intellectuelles se renforce dans les Directions Achats. La plupart des entreprises ont mis en place des dispositifs formalisés et divers outils de suivi pour sécuriser leurs prestataires et anticiper les risques.
71 % des entreprises réalisent des évaluations régulières des fournisseurs, et 81 % intègrent des clauses contractuelles spécifiques dans leurs contrats.
Les indicateurs de performance et les comités de pilotage sont également largement utilisés, tandis que les dispositifs plus avancés, comme les processus d’alerte ou les formations internes, restent moins répandus.
La gestion des risques fournisseurs s’appuie aussi sur des dispositifs complémentaires : La vérification des assurances professionnelles, le contrôle des compétences / références des prestataires, ainsi que le suivi régulier des projets sont très pratiqués, et certaines entreprises (15 %) vont jusqu’à mettre en place des politiques de double sourcing & back-up afin de prévenir tout risque d’interruption des prestations.
Risques juridiques et conformité : les Directions Achats renforcent leur vigilance
Le Baromètre 2025 montre que les Directions Achats accordent une attention croissante aux risques juridiques et réglementaires liés aux prestations intellectuelles.
Parmi les principaux enjeux, le risque de dépendance économique (89 %) et le risque de prêt de main-d’œuvre illicite (86 %) sont particulièrement suivis, illustrant la vigilance des Acheteurs sur les aspects contractuels et sociaux.
D’autres risques, comme la requalification ou la corruption, restent également surveillés, reflétant la complexité des enjeux légaux et éthiques dans le pilotage des prestataires.
La fonction Achats prend aussi en compte des dimensions plus larges liées à la réputation et à la conformité.
Les directions Achats s’assurent que les prestataires respectent les exigences de qualité et les garanties prévues contractuellement, et intègrent progressivement les obligations européennes, notamment la directive CSRD (39 %), dans leurs critères de sélection.
Cette évolution montre une prise en compte croissante des obligations légales et extra-financières dans la stratégie d’Achat.
Franklin Brousse, Avocat expert des Achats au Barreau de Paris, observe que le risque de requalification d’un contrat de prestation en contrat de travail reste l’un des points de vigilance majeurs, rendant indispensable une approche contractuelle claire et documentée. Il ajoute que certains risques structurels demeurent au cœur des préoccupations des Directions Achats : prêt de main-d’œuvre illicite, délit de marchandage, dépendance économique, autant de sujets nécessitant un encadrement rigoureux :
« Le contrat reste fondamental pour formaliser les obligations et garantir la conformité, tout en sécurisant les relations avec les prestataires. »
Concernant le risque de dépendance économique, il précise que : « L’enjeu n’est pas la dépendance économique elle-même, mais l’abus de cette position par le donneur d’ordre, qui peut générer des sanctions. »





