Les directions achats ont vocation à servir de catalyseur quant à la mise en place d’une démarche d’innovation ouverte, impliquant les partenaires extérieurs mais aussi des acteurs internes à l’entreprise. Retour sur des bonnes pratiques pour les organisations sur de bons rails et valoriser au mieux la créativité.
La gestion de la propriété intellectuelle était à l’honneur le 26 septembre à l’occasion d’un nouvel événement organisé par le Club des Acheteurs. Un enjeu d’autant plus crucial que l’innovation devient désormais le maître mot au sein des organisations. « Parmi les priorités de développement chez les dirigeants, l’innovation est aujourd’hui le premier élément cité avec 23 % des réponses », Sylvie Gomy, associé au sein de la jeune société Ecdys Open Lab et première intervenante de la soirée.
Elle décrit les directions achats actuelles comme « les directions les mieux placées pour faire émerger et accompagner l’innovation, en raison de la bonne compréhension des évolutions, des attentes, de la vision globale de l’entreprise dont elles bénéficient. Les acheteurs jouent clairement un rôle de courroie de transmission. » L’un des enjeux majeurs des achats est de devoir évoluer, se transformer rapidement. La gestion du risque, l’IoT, l’intégration de critères environnementaux constituent des évolutions qui poussent les achats vers leur mutation. « Les fournisseurs forment en eux-mêmes un gisement d’innovation à part entière. Ils connaissent les produits et marchés. Ils ont la richesse de l’expérience client, et disposent de centres R&D. La confiance déjà établie avec ces acteurs est un atout pour co-construire l’avenir à long terme des relations », renchérit-elle.
4 grands axes doivent ainsi être nourris pour faire évoluer la fonction achats dans ce sens : comprendre et intégrer les attentes en termes d’innovation de son entreprise : se rendre attractif, attirer l’innovation des fournisseurs, collaborer avec les prescripteurs internes, gérer les compétences et les profils achats. Mais « au-delà de la théorie, la mise en application n’est pas si simple », confie Sylvie Gomy, forte de son expérience passée au sein d’une direction achats.
MIEUX CONNECTER LA DIRECTION ACHATS À SES COLLABORATEURS
En réponse aux interrogations de son auditoire, Sylvie Gomy cite en exemple le cas du spécialiste des produits cosmétiques et de soins Clarins, où une démarche d’innovation a été mise en place avec l’objectif de faire des acheteurs des acteurs incontournables de cette dynamique. Concrètement, la structure instaurée a conduit à la désignation d’ambassadeurs de l’innovation, à des campagnes de communication en interne, et vis-à-vis des fournisseurs clés, ainsi qu’à la mise en place de processus spécifiques. « Cette nouvelle configuration a permis positionner les achats comme un business partner à part entière, de modifier la relation avec les clients internes, de réaliser des optimisations de coûts différemment, de valoriser et faire grandir les équipes pour mieux retenir les talents », explique-t-elle. Dans la salle, une voix s’élève pour corroborer la pertinence d’ouvrir l’innovation à des acteurs extérieurs : il s’agit d’un ancien salarié d’Alcatel qui rappelle le contexte des années 1990, où « c’est l’innovation des fournisseurs qui déterminait le type de technologie qui allait être développé dans les téléphones portables. »
Dans une telle démarche de mobilisation de l’intelligence collective, Sylvie Gomy promeut notamment le recours à des plateformes collaboratives en ligne, dédiées à la mise en connexion des compétences, « d’autant plus essentielle dans un écosystème où les savoir-faire à maîtriser se multiplient et se complexifient, l’innovation se situant toujours plus à la croisée de plusieurs technologies. » Des gains d’agilité et de réactivité découlent de l’utilisation de ce type de plateformes. Elles permettent de s’affranchir des distances, des frontières, de ne pas négliger des approches qui peuvent être très différentes, et d’augmenter fortement le nombre de participants.
UNE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ADAPTÉE AUX ÉVOLUTIONS
« Quid de la confidentialité, de la protection des projets innovants ? Je reste perplexe quant à l’existence d’une plateforme intermédiaire extérieure entre une entreprise et son fournisseur », s’inquiète un membre de l’auditoire. Maître Franklin Brousse, spécialiste des questions relatives à la propriété intellectuelle, précise que le droit actuel est tout à fait en mesure de prendre en compte les différents cas de figure. « La question de la propriété intellectuelle se pose dès le POC (Proof of concept) s’il y a une notion de création. Elle ne peut être valable que le temps du POC, ou plus longtemps », indique-t-il. « Dans un cas de co-innovation basées sur deux innovations, les deux briques apportées et mises en commun ouvrent à un nouveau droit qu’il faut cadrer et définir clairement. »
Dans les contrats de partenariat technologique, la notion d’exclusivité entre également en ligne de compte. Elle peut être décidée et conclue de façon temporaire, ou sur une zone géographique donnée. « L’entreprise doit se demander dans quelle mesure la propriété intellectuelle est importante pour elle, sur quelle partie de l’innovation celle-ci doit porter et pour quelle durée. Toute propriété intellectuelle relative à une innovation d’une entreprise n’est pas forcément pertinente », précise Franklin Brousse.