Le 10 août 2017, le sénateur de Moselle, Jean-Louis Masson, attirait l’attention du ministre de l’intérieur sur l’intérêt de demander aux candidats de préciser leurs moyens matériels dans le cadre de marchés publics de prestations intellectuelles. Dans sa note publiée dans le Journal Officiel du Sénat, le sénateur estimait que cette exigence était dénuée d’intérêt en matière de prestations intellectuelles et qu’il faudrait, selon lui, envisager de la supprimer.

Dans sa réponse du 21 septembre 2017, le Ministère de l’Intérieur a précisé que dans le cadre d’un marché de prestation intellectuelle, « il appartient à l’acheteur de démontrer, le cas échéant, la pertinence de demander à un candidat de préciser ses moyens matériels, sous réserve de l’appréciation souveraine du juge ».  Par ailleurs, l’acheteur « peut s’affranchir des exigences du règlement de consultation quand la fourniture des éléments demandés ne présente pas d’utilité pour l’appréciation de l’offre ».

Interview de Marie-Noëlle Desailly, directrice de la commande publique, Région Ile-de-France

Est-il pertinent, selon vous, dans le cadre d’une passation de marché public de prestations intellectuelles, de demander aux candidats de préciser quels seront les moyens matériels utilisés ?

L’acheteur doit se poser la question de la pertinence du choix de ses critères pour tous ses marchés. Un critère doit être le médium pour arriver à définir l’offre économiquement la plus avantageuse, autrement dit la meilleure. S’il ne remplit pas ce rôle, il est inutile. Les critères doivent être également liés à l’objet du marché et proportionnés à ce dernier. Ainsi, il est difficile de faire une réponse générale sur la pertinence d’un critère sur les moyens matériels dans le cadre d’un marché de PI. Les marchés de PI peuvent correspondre à des prestations d’études, de réflexion, de conception, de conseil ou encore d’expertises…

Dans certains cas, mais ils sont minoritaires, il pourra être utile de savoir sur quels « outils » s’appuie le prestataire dès lors que lesdits outils peuvent avoir une influence sur la prestation rendue tant en qualité, qu’en réactivité. Bien entendu, il ne s’agit pas de savoir si le prestataire dispose d’un ordinateur ou d’un fax… Nous voyons bien que cela concerne des outils plus précis, attachés à la fonction même de la prestation visée. Maintenant, l’outil principal dans le cadre d’un marché de PI, cela reste le cerveau !

Dans quels cas cela peut-il se justifier et avoir du sens ?

En matière de maitrise d’œuvre, il sera utile de savoir si l’architecte utilise des outils de modélisation particuliers. Autre exemple dans un secteur comme celui de la formation professionnelle, on pourra par exemple demander aux organismes de formation sur quelles machines-outils ils vont faire travailler les stagiaires.

Un marché public de PI est-il un marché comme un autre ? 

C’est un marché comme un autre car il s’agit de la traduction d’un besoin et de son moyen pour y répondre. Je ne nie pas les spécificités de ces marchés qui disposent même de leur propre CCAG [Cahier des Clauses Administratives Générales, Ndlr] mais malgré tout je pense que l’on peut les traiter comme tous les autres marchés, c’est-à-dire les faire bénéficier des mêmes égards en termes d’achat, de porter une attention forte à la définition des besoins, de bien connaitre le marché et les professionnels à qui on s’adresse. De les challenger aussi !

Chaque année la Région Île-de-France passe environ une centaine de marchés de PI pour un montant global de 5 millions d’euros.